L’inspiration
Allégorie de la vie
L’objet est élancé et cylindrique, presque voluptueux, d’une texture soyeuse. L’arrête aiguë qui descend le long de la pièce surprend, non pas parce qu’elle ne serait pas à sa place, bien au contraire, non, elle étonne tant elle fait corps avec elle. Saillante, l’ombre se cache en son creux comme si elle était derrière une dune dans le désert, peut-être même y fait-il froid en cet instant.
Le regard est invité à descendre vers le pied, qui se termine en pente douce, puis c’est vers l’ouverture que le regard est attiré. Lisse, brillante, d’un dégradé de vert d’eau presque chiné, on y plonge puis on glisse le long d’une paroi recouverte d’un superbe émail.
Les céramiques de Jacqueline Jover semblent presque tissées, comme drapées, comme si le vent avait tendu la voile si longtemps qu’elle s’était figée dans cette position.
L’artiste commence ses pièces selon les règles de l’art, elle prend un bloc de terre, elle le frappe quelques instants pour l’attendrir et le préparer à la sculpture qui va suivre, elle le pose sur le tour pour le faire monter, et elle s’arrête. L’objet qui vient de naître sous ses doigts va poursuivre son façonnage d’une bien curieuse façon. Aidé par la gravité, et donc attiré par la Terre, notre si belle planète, il va continuer à grandir puis, quand il aura atteint sa taille finale, celle qui l’a créé l’amènera jusqu’au bord ultime de la rupture, et c’est d’elle que naîtra cette ligne de crête qui donne à la pièce sa si grande et belle singularité.
Les pièces sont uniques comme le sont les blessures et les épreuves que chacun être humain traverse dans sa vie, source vitale du travail de Jacqueline. Ces vases qui peuvent à leur tour accueillir la vie florale, par exemple, sont comme des femmes ou des hommes que la vie aurait rendus encore plus humains, encore plus beaux, encore plus épais, encore plus en relief.
L’allégorie de la vie dans tout ce qu’elle a de plus complexe est ici fait de terre, animée par des mains douces et précises, aidées par l’eau et la Terre, et par le feu elle se prépare à l’éternité.
Jacqueline Jover sublime la matière, elle donne une suite élégante, fière et forte à ce qui aurait pu rester brisé. L’objet devient sensuel, désirable, et on se prend presque à penser qu’il a été fait pour soi-même.
Sébastien Tertrais, écrivain. juillet 2021
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